ACUTI saluée par Artension
ACUTI saluée au concours de Critiques d'Art 2012
du magasine Artension.
L'auteur saluée par le Jury qui a retenu Benoit COURCELLES dans la catégorie "Confirmé".
Le jury était constitué de : Hervé COURTAIGNE, Anne Marie et Roland PALLADE, galeristes à Paris et à Lyon ; Pierre SOUCHAUD, jean-Luc PONCIN, Fanny LAHEURTE et Françoise MONNIN, respectivement fondateur, directeur et directrice artiqtique et rédactrice en chef ; et des journalistes Fréderic-Charles BALTINGER, Marie GIRAULT, Marion KLING et Patrick LE FUR.
Son texte portait sur le travail de Zlatko GLAMOTCHAK
Blêmes, blancs, bras ballants et muscles saillants. Dilemmes vivants, les Golems de Glamotchak sont souffrants, en sang et nécessairement dérangeants tout comme son Evèque fou piétinant des entrailles.
Dans un premier temps, ces êtres dégouttants happent le regard du spectateur devenu subitement voyeur tragique, qui oscille entre attirance et rejet, dans un mouvement incessant, hypnotique. Ils l’emprisonnent et c’est violent, l’attachent, le lient. Font de lui soit un bourreau, soit une victime, mais ne laissent aucunement indifférent.
Ils font de nous, être de chair et d’esprit, j’espère … des êtres réfléchissants. Non seulement des êtres miroir, mais des êtres qui s’interrogent. Au regard de ses sculptures qui dérangent, ces dernières nous transfigurent. Sur nous, elles agissent.
Pourquoi ?
C’est parce que Glamotchak abolit la distance.
Tout d’abord, en choisissant la sculpture, ses trois dimensions et l’échelle 1, cette proximité dans la taille et le volume qui fait écho à nos corps. Cette sculpture qui devient rare, parce qu’encombrante, à l’heure des galeries minuscules pour cause de surenchère immobilière. Face à face avec ces homoncules, nous sommes face à nous-mêmes.
Ensuite, en montrant avec réalisme ces êtres angoissants nous offrant leur nudité, aussi démunis qu’un nouveau-né. Cette innocence martyrisée. Rien ne manque, c’est précis, ciselé, finement étudié.
Le mécanisme est huilé. A nous de l’analyser, d’aller par-delà le choc procuré.
En abolissant la distance entre l’œuvre et le spectateur, Glamotchak le responsabilise. Il n’est plus question d’objet, mais bien de sujet. Le spectateur se retrouve prisonnier de son propre regard. Qu’il le détourne, et c’est condamnable abandon. Qu’il l’appuie et c’est innommable attraction.
Rares sont ces œuvres aujourd’hui dont la force réside dans l’ambivalence. Non pas vides de sens ou au contraire saturées d’évidence. Glamotchak nous laisse interdits. Aussi ahuris que ces sculptures en torture, en folie. Il évoque le pire, l’horreur cachée, nous la rappelle, terrorisé qu’il est par la capacité de l’Homme à détruire. Sans doute ne s’en remet-il pas. Nous non plus.
Dans un second temps, ses sculptures toxiques forcent notre esprit à l’analyse critique.
Glamotchak nous ferait presque oublier qu’il fait œuvre.
Qu’il travaille admirablement l’argile, la modèle, la presse, la force, la caresse et qu’entre ses mains de sculpteur, il lui donne forme et donne forme à nos peurs. Qu’elle est matière à l’origine. En indiquant uniquement « Polyester » sur le cartel qui mentionne le titre de la sculpture et la technique employée, il tait la terre comme une relation intime, pudique qu’il est. Magnifique mise en abîme. Mais elle est bien là, à la genèse de ses créations, cette terre qu’il recouvre de couches de plâtre pour en faire des moules qui serviront ensuite à la création plastique de ce que nous verrons, dans les vapeurs méphitiques de styrène, de la résine polyester. Inanimée matière ?
Car il ne faudrait pas manquer d’évoquer le talent indéniable de cet artiste du Monténégro, ami de Dado. Au-delà d’une image forte du corps sous toutes ses coutures, il est question de dextérité, de technicité où le corps de l’artiste est mis à mal, son pronostic vital engagé. C’est un rapport physique qu’il ne faut pas oublier. Un combat à mener. Dans les émanations toxiques, il ébarbe, polit, colore et peint. Car il est peintre aussi.
L’attention, la tension que génère son travail est le résultat d’une connaissance anatomique sans faille. Aurait-il disséqué des cadavres ? Non, nous dit-il, quelques gouttes de sang et le voilà inconscient. Chaque corps fait signe de résistance, alors que chaque muscle, chaque tendon semble étiré à la limite de la rupture. Chaque veine évoque le combat de la vie et de la mort. Chaque saignement, chaque écoulement placé avec précision, dénoncent la traction et l’attraction toute terrestre où les fluides cheminent vers le bas, le sol, alors que le cou, la tête et la bouche grande ouverte happent l’air dans un mouvement opposé. Chaque touche de peinture participe à l’effet dramatique.
Glamotchak exprime dans le silence, la révolte, la résistance. Il est question d’inspiration comme de respiration. Il nous dit la vie, sa fragilité, sa beauté. Il fait œuvre d’Humanité.
Dans ce monde où, à cause d‘une manipulation perverse, le contraire de la tolérance, à savoir l’intolérance, n’existe plus, mais porte (déguisé), le même nom : tolérance (zéro), cet artiste s’indigne, nous rappelle au monde. Le spectateur d’abord stupéfié, puis agité de mouvements contradictoires, soudain sent, ressent dans sa poitrine, ce battement oublié, à peine audible, qui s’agite, celui de son sang qui palpite.
Il nous redonne vie, comme ces quelques artistes jusqu’au-boutistes, sans concession, sans calcul, qui ont une vision, qui prennent position, engagés quelque soit l’air du temps ou le sens du vent.
Quel talent !
On aimerait tellement être bousculés plus souvent aussi intelligemment !!!
ACUTI Docteur es Art et Science des Arts, Sculpteur et Auteur
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